On parle régulièrement des inégalités entre femmes et hommes dans le contexte professionnel, mais qu’en est-il des métiers de l’international ? Nous avons demandé à nos V.I.E temps partagé en poste partout dans le monde de nous raconter leurs expériences. Un grand merci à Mariam et Candice en poste en Allemagne, à Floriane en Côte d’Ivoire et à Camille au Mexique qui ont accepté de se prêter au jeu des questions !
- Aviez-vous des appréhensions avant de partir à l’étranger ?
Candice : J’avais effectivement quelques appréhensions mais plus liées à l’âge qu’au genre. En Allemagne le monde professionnel est connu pour être très hiérarchisé, j’avais peur que, du fait de mon jeune âge, j’aie des difficultés à me faire respecter. Je m’étais préparée, j’avais même acheté des tenues qui me vieillissent un peu ! Finalement je suis plutôt à l’aise, sauf parfois sur des salons très institutionnels où on sent effectivement un décalage.
Mariam : Non, je n’avais pas d’appréhensions au moment du départ, c’est plutôt une fois sur place que j’ai constaté des inégalités. On ne s’adresse pas à vous de la même manière lorsque vous êtes une jeune femme : les questions sortent parfois même du cadre professionnel et on se retrouve souvent à devoir recentrer la conversation sur l’aspect principal du rendez-vous, le Business.
Floriane : Oui, j’avais énormément d’appréhensions et d’inquiétudes avant de partir en Afrique. En réalité j’ai été très agréablement surprise ! Il y a ici de nombreuses femmes qui occupent des postes importants, ce qui m’a rassurée. Les gens que je rencontre ici, en Côte d’Ivoire, se montrent en majorité sérieux et professionnels. J’avais également des inquiétudes sur la tenue vestimentaire mais j’ai réalisé que ce n’était pas très différent de l’Europe.
Camille : Je connaissais déjà le Mexique avant ma mission V.I.E mais j’avais effectivement des appréhensions concernant le cadre professionnel. Les deux entreprises que je représente sont dans des secteurs à dominante masculine, j’avais peur de me retrouver face à des hommes, d’une autre nationalité et d’une autre génération. Le Mexique a également la réputation d’être un pays assez machiste, ce qui ne me rassurait pas non plus.
- Et maintenant que vous êtes sur place, représenter commercialement une entreprise française à l’étranger en étant une femme, c’est comment ?
Floriane : Il y a des avantages à être une femme, lorsque j’étais au Ghana par exemple, tout le monde était aux petits soins, j’avais même un chauffeur. Après cela reste un monde d’hommes, pas toujours adapté aux femmes. Je fais régulièrement le tour de fermes ici, souvent assez isolées, la plupart d’entre elles ne disposent pas de toilettes, c’est un détail mais pour une femme ce n’est pas toujours évident. De même, la culture veut qu’une femme ne paie pas. Pour des repas d’affaires cela me place dans une posture assez dérangeante, comment inviter un prospect à dîner sans qu’il n’y ait d’ambiguïté ? Le stratagème que j’ai trouvé pour l’instant est d’inviter les prospects pour le petit-déjeuner, que je mets sur la note de l’hôtel. Je fais également très attention à ma tenue vestimentaire, à l’image que je renvoie pour ne pas donner de fausses impressions.
Mariam : De mon côté, dans les deux secteurs, il y a une dominante masculine, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours un obstacle. Dans le milieu du sport notamment, c’est même un atout, étant une des rares femmes dans les équipes commerciales, on me remarque et on m’écoute : en général les personnes se souviennent de moi (femmes comme hommes). En revanche, dans le secteur portuaire c’est plus compliqué mais pas forcément du fait du genre. Il est parfois plus difficile d’interagir du fait de l’expérience et aussi de la technicité du métier : c’est un secteur avec lequel je n’étais pas familière au début.
Camille : En réalité, je suis très surprise, dans le bon sens. Mes interlocuteurs professionnels sont effectivement à majorité des hommes mais ils sont tous très ouverts. Je suis une femme, jeune, étrangère et moins expérimentée qu’eux, néanmoins ils m’écoutent et partagent avec moi leur expérience, ils n’essaient pas de me piéger avec des questions difficiles ou de mettre en porte-à-faux. Par contre j’ai les mêmes difficultés que Floriane, ici ce n’est pas dans la culture de laisser une femme régler l’addition, même s’il s’agit d’un rendez-vous professionnel.
- Qu’est-ce qui vous a marqué à votre arrivée ?
Candice : Je suis inscrite à la salle de sport, et si en France on met l’accent sur la santé, le bien-être et le soin du corps, le marketing en Allemagne est bien différent : il y a un corps féminin géant sans tête représenté sur le mur !
Mariam : Effectivement, pour tout ce qui est de l’univers du sport, je rejoins Candice, c’est assez cliché : muscles, regard ténébreux pour les hommes et tenues moulantes pour les femmes. Après dans la rue, contrairement à en France, je n’ai jamais été importunée.
Camille : Dans les transports en commun (métro, bus) il y a une partie « normale » et un wagon réservé aux femmes. * On parle beaucoup de harcèlement de rue ici, mais personnellement je n’y ai jamais été confrontée, j’ai plutôt l’impression que les hommes ici font preuve d’une galanterie à l’ancienne : faire le tour de la voiture pour ouvrir la portière, laisser la place assise dans les transports (partie mixte du coup), etc.
*Depuis 2000, le Mexique a pris des dispositions pour lutter contre le harcèlement sexuel en créant des wagons réservés aux femmes, notamment aux heures de pointe. Cette initiative a été étendue aux réseaux de bus et autres transports en commun.
- Qu’en est-il de la parité ? Des différences de management hommes/femmes ?
Candice : Dans le secteur des jouets, la répartition hommes/femmes est plutôt égalitaire, je suis même plus souvent en contact avec des femmes qu’avec des hommes. Pour ce qui est du médical en revanche c’est un milieu plus masculin. Les liens se font plus facilement avec mes contacts féminins, peut-être que nous sommes plus rassurées entre femmes, l’atmosphère me semble plus bienveillante.
Camille : Question parité, on est loin du compte. La semaine dernière j’ai eu 14 rendez-vous professionnels, dont un seul avec une femme. Mais dans certains cas cela m’est favorable, le fait d’être une femme, jeune, qui parle espagnol est un avantage car on ne m’oublie pas.
Floriane : Je suis souvent en contact avec des hommes, ce qui n’est pas un problème en soi, mais j’ai remarqué qu’il y avait des différences de comportement. Par exemple, lorsque l’on s’adresse à moi, on emploie mon prénom, en revanche pour mes collègues masculins, c’est Monsieur. De même, dès lors que les négociations avec un client commencent, je ne suis plus l’interlocutrice principale, on ne traite pas d’argent avec les femmes.
Mariam : Dans les entreprises où j’étais « managée » par des femmes, j’ai senti une différence. Assez dures et directes au départ, la relation de confiance mène ensuite à une relation de binôme, peut-être plus horizontale. J’ai l’impression que les hommes ont parfois du mal à dépasser la relation hiérarchique, peut-être de peur de donner lieu à un malentendu ?
- Quelques conseils aux futures V.I.E ?
Mariam : Ne pas se laisser marcher sur les pieds. Quand quelque chose est injuste ou ne vous plaît pas, il ne faut pas hésiter à ouvrir la discussion et expliquer la situation de son point de vue. Bien souvent, certaines subtilités ne sont pas dénotées par tous car trop souvent banalisées dans la société dans le passé.
Candice : Croire en ses compétences ! Cultiver la confiance en soi, ne pas s’imposer de limites.
Camille : Il faut avoir du caractère et ne pas se laisser faire, au Mexique il faut construire des relations pour faire des affaires, c’est primordial, il faut donc s’affirmer, ne pas se montrer trop introvertie.
Floriane : Il faut apprendre à s’imposer, ne pas se laisser faire et oser en parler quand quelque chose ne va pas, qu’on se sent mal à l’aise ou qu’une personne a un comportement déplacé. Ici les filles ne se laissent pas faire, que ce soit dans la rue ou ailleurs, elles n’hésitent pas à remettre quiconque à sa place. Finalement, mon expérience ici est vraiment positive, je voudrais vraiment encourager les femmes à venir en Afrique !
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