Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Pierre Gilot, ancien Directeur Général de la Compagnie Fruitière et Vice-Président de l’Imed, au sujet de l’export. Il nous a prodigué conseils et recommandations pour faire de son développement international un succès.
“Exporter nécessite de respecter certaines conditions. On ne s’improvise pas exportateur, il faut être spécialiste, se former, mais c’est un métier extrêmement gratifiant. Il faut pouvoir gérer de grandes quantités tout en conservant la qualité, ce qui n’est pas évident. Il faut être formé à l’export : savoir facturer, savoir être payé à l’étranger, connaître les subtilités bancaires liées à l’international par exemple. Mes conseils concernent principalement le grand export car en Europe, les réglementations, les droits de douane, etc sont uniformisés. “
Les conditions nécessaires
“La première condition pour exporter est d’aimer voyager. Il faut aimer aller à l’étranger, rencontrer de nouvelles personnes, avoir envie de partir et de découvrir de nouvelles cultures. Il faut également maîtriser des langues étrangères, a minima avoir des bases, pour se faire comprendre et être crédible, et parfaire sa connaissance de la langue sur place.
La deuxième condition est d’avoir le bon produit. Il faut être sûr de sa qualité et pouvoir le transformer, l’adapter si besoin pour l’export. La régularité de la production doit être fiable et bien contrôlée. Les produits français s’exportent plutôt bien et ont du succès à l’international, notamment les cosmétiques, le vin, les pièces avioniques et la mode, qui sont des secteurs reconnus. “
Anecdote : “Dans les années 1980, j’ai voulu faire importer des kiwis de Nouvelle-Zélande, qui avait jusque-là le monopole de production. Ce que nous n’avions pas prévu, c’est que ces kiwis seraient très difficiles à vendre car personne ne connaissait ce fruit et ne voulait l’acheter. Nous avions donc 50 tonnes de kiwis sur les bras. Nous avons organisé une dégustation gratuite de kiwis lors d’un championnat français de tennis pour le faire découvrir au public et ça a marché ! Après ça, tout le monde s’arrachait les kiwis ! “
La logistique
“Dans le grand export, la problématique principale est la logistique, notamment le choix du moyen de transport en fonction du produit et de sa durée de vie. Dans mon cas par exemple, nous exportions des fruits donc outre le contrôle de la production, les délais dans les transports étaient très importants car la conservation n’est pas illimitée.
L’avion est un moyen de transport assez facile à gérer : les aéroports sont situés dans les grandes villes ce qui facilite la récupération des marchandises. Cependant, ce n’est pas forcément rentable ; il faut faire attention au tarif comparé au coût de la même marchandise ailleurs dans le monde.
Le bateau permet de transporter de grandes quantités de marchandises mais la durée de transport est plus longue. Dans le cadre de l’import/export de fruits, les cargaisons doivent être prises en charge immédiatement à leur arrivée au port, de jour comme de nuit, ce qui a un coût.
Une fois que la marchandise est arrivée sur le territoire, il faut la répartir, en général par camion, ou en train, sachant que le train permet de charger une quantité bien plus grande de marchandises.
Le transport va fortement impacter le coût de la marchandise. C’est pourquoi il est également important de bien maîtriser les Incoterms®, qui vont définir les obligations du vendeur et de l’acheteur lors du transport de marchandises. Certains s’appliquent uniquement au transport maritime, d’autres à tout type de transport.“
Anecdote : “Nous faisions de l’échange de pommes en fonction des saisons avec l’Argentine. Nous avons voulu ajouter à la cargaison des poires d’une variété spéciale pour leur faire découvrir. Seulement le bateau n’était pas ventilé correctement et les pommes ont fait mûrir les poires trop vite, qui sont arrivées trop mûres. Les fruits, c’est comme une grenade dégoupillée, il faut s’en débarrasser très vite ! “
Les règles à respecter
“Il faut connaître les règlements en vigueur dans le ou les pays. Pour les fruits par exemple, tous les pays ont des règles phytosanitaires différentes concernant les maladies et microbes présents dans les fruits. Il faut avoir de bonnes relations avec l’administration française et le client doit avoir de bonnes relations avec les administrations de son pays car ils sont intraitables sur les contaminations éventuelles. Quel que soit le produit, il faut mentionner sa composition, c’est la règle du pays importateur qui s’applique, et les administrations sont libres de refuser le produit. Dans ce cas, plusieurs solutions s’offrent à nous : on peut trouver un autre pays qui accepte la marchandise ou la ramener à son point de départ. “
Sans oublier l’essentiel
“Un point crucial : la relation humaine. Il faut prendre le temps, créer des liens, rencontrer les personnes et instaurer une relation de confiance, un rapport gagnant-gagnant. La réussite à l’export repose en grande partie sur ces relations de confiance et sur le réseau. Par exemple, j’ai mis en relation l’un de mes fournisseurs de pamplemousses en Israël avec un client en Argentine qui était intéressé par le produit. Cette mise en relation ne m’a rien rapporté en termes financiers mais l’accès au réseau fait partie des services rendus dans les relations export.
À savoir également dans les paiements internationaux, il peut être difficile d’encaisser les différentes devises. Il faut avoir plusieurs banques, une pour les affaires internes, une autre pour l’international, et choisir des banques de premier ordre. La règle d’or est de ne jamais vendre si l’on n’est pas sûr d’être payé. La meilleure solution est de demander une Lettre de Crédit irrévocable et confirmée. Il s’agit d’un document financier émis par une banque émettrice à la demande d’un acheteur (le demandeur) en faveur d’un vendeur (le bénéficiaire). Cette lettre ne peut être modifiée ou annulée sans l’accord de toutes les parties concernées. C’est un engagement pris par l’établissement bancaire de l’importateur de garantir à l’exportateur le paiement des marchandises contre la remise des documents (document de transport, la facture, le document d’assurance, connaissement, etc), conformément aux conditions énoncées dans la lettre de crédit.
La connaissance des droits de douane est également très importante. Il faut avoir au sein de l’entreprise une personne de confiance qui gère cette partie.
En conclusion, le grand export est un métier difficile, avec de grandes responsabilités et des journées très longues mais très gratifiant et qui permet de rencontrer des gens extraordinaires.“
Pierre Gilot, Vice-président Imed ; retraité Compagnie Fruitière.
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